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le Dôme des Ecrins, La Première d’Evelyne et JC

19 septembre 2018 vu 1 394 fois Pas de commentaire

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       Cette année, peut-être comme beaucoup d’entre vous, nous avons choisi, Jean-Claude et moi, de passer nos vacances à la montagne, loin de la canicule…et de faire notre première expérience en alpinisme, l’ascension du Dôme des Ecrins, guidés par le sympathique Arnaud, le compagnon de Nathalie. Je vais vous dire pourquoi cela restera une expérience inoubliable…

       Du haut de ses 4015 mètres, le Dôme offre un panorama exceptionnel sur la majeure partie des Alpes françaises et son ascension fait partie des courses classées « faciles » à « moyennement faciles », idéales pour un baptême, pour peu qu’on soit endurant et bien encadré.

       Avec Arnaud, une « pointure » parmi les guides, formateur à l’ENSA, on ne pouvait pas être mieux servi !

       Très pro, il nous a tout de suite rappelé qu’il s’agissait d’une course en haute montagne dans un environnement hostile et qu’à cette période particulièrement chaude, les crevasses et surtout les chutes de séracs (énormes blocs de glace) au-dessus de la voie normale représentaient un danger non négligeable, auquel d’ailleurs, fin juillet, une cordée venait d’échapper par miracle.

       Un peu inquiets, mais confiants et motivés, nous avons pris note de cette information. Côté météo, cela s’annonçait bien. Sur ses conseils, nous avons donc loué nos chaussures d’alpinisme, allégé nos sacs au maximum et ralenti le rythme dans la marche d’approche (1300 m de dénivelé du Pré de Madame Carle au Refuge des Ecrins). Les deux objectifs du jour étaient, premièrement, de s’économiser pour le lendemain et, deuxièmement, d’apprendre quelques techniques de base en école de glace, sur le Glacier Blanc, au pied du refuge. De son côté, auprès des guides croisés en route, Arnaud s’informait des conditions là-haut. Plusieurs d’entre eux refusaient de monter au Dôme pour l’instant, se rabattant sur un beau plan B, le sommet de la Roche Faurio, 3730 m, plus technique…mais sans séracs. Du refuge, il essaierait de jauger les fameux blocs avant de prendre une décision…

       Entre-temps, nous étions arrivés au glacier, aux portes de cet univers pour nous totalement inconnu, pris d’une certaine émotion. Hyper-concentrés, nous avons fait de notre mieux pour enregistrer les consignes concernant l’installation du baudrier et des crampons, l’encordement, la marche sur glace, pieds à plat (quels que soient le relief et la pente !) et la capacité à détecter les très nombreuses crevasses recouvertes de ponts de neige trompeuse, à contourner absolument !

       La soirée au refuge, moins bondé que d’habitude du fait de nombreuses annulations, fût très agréable quoique sous-tendue d’inquiétude. A table, les conversations tournaient autour des conditions sur le Dôme : neige fondue, températures très élevées…et les guides tendaient le cou vers les fameux séracs maintenant envahis par la brume.

       Le réveil était prévu à 3h30, et le départ à 4h15. La soirée fût donc plutôt courte. La nuit portant conseil, Arnaud nous a demandé de lui dire le lendemain matin si nous étions toujours d’accord pour monter au Dôme malgré les risques, nous annonçant que de toute façon, il ne prendrait sa décision qu’en haut du glacier, quand il pourrait juger de visu de l’état des séracs. Contre toute attente, malgré ce dilemme à résoudre dans la nuit, nous avons plutôt bien dormi et nous sommes mis en route dans la nuit noire sous une chaleur quasi tropicale.

       La progression en pente douce sur le glacier, sans difficulté particulière, fût quand même assez fatigante car on pataugeait dans la neige fondue et la courte pause à la croisée des chemins (alt.3300m) entre le Dôme et la Roche Faurio au lever du soleil fût bienvenue.

       Arnaud nous a annoncé que vu de là, cela ne lui paraissait « pas trop mal ». Plusieurs cordées s’étaient déjà engagées. Nous avons décidé d’y aller nous aussi. Notre guide est entré dans le vif du sujet : la première partie était raide et très exposée, à quelques mètres des blocs de la récente avalanche. Juste au-dessus de nous, légèrement à droite, le bloc en surplomb, avec sa face de glace bien blanche, cicatrice de la rupture. Il ne fallait pas traîner, monter vite et bien, exactement dans ses traces, jusqu’à un petit replat (en fait un sentier en dévers assez peu engageant !) où nous pourrions souffler avant un deuxième passage dangereux. En cas de gros bruit fracassant, déterminer très vite d’où il vient et courir le plus vite possible dans la direction opposée…pas très rassurant tout ça…mais on s’en est bien sortis !

        Après avoir failli laisser échapper mon sac à dos (mieux vaut regarder où on met ses crampons et penser à toujours planter le bâton entre les lanières du sac !!), nous avons avalé une barre de céréales, immortalisé la vue sur le Glacier Blanc aux aurores et sommes repartis confiants.

       La pente devenait vraiment raide, les traces formant de hautes marches bien marquées. Je me dis que si nous redescendions par-là, ce serait difficile…ce qui fût le cas !

       Nous progressions assez vite et le sommet se rapprochait. Nous allions plus ou moins longer la voie au pied de la Barre des Ecrins. Comme avant chaque passage délicat, Arnaud s’est arrêté pour donner ses consignes, vérifier les cordes et mes crampons qui s’étaient déjà décrochés deux fois. Nous allions passer de nouveau sous des séracs, certes moins menaçants, mais il ne fallait pas traîner, d’autant plus qu’il y avait un deuxième danger : les chutes de pierres provoquées éventuellement par une cordée qui progressait sur la Barre. Que faire dans ce cas ? lever la tête, attendre de voir où ça tombe et partir dans l’autre direction. En cas de pluie de cailloux, se protéger sous son sac comme on peut. A l’aller, on n’y a échappé, mais pas au retour ! Heureusement, la glace étant fondue, les cailloux s’enfonçaient, au lieu de rebondir, projetés dans une trajectoire imprévisible.

       Arnaud semblait soulagé d’avoir passé sans encombre les deux zones exposées. Il ne restait que la dernière partie, quelques derniers mètres de dénivelé par la Brèche Lory (alt.3974 m). De ce point, le sommet du Dôme (alt. 4015m) est rapidement atteint. Mais pour moi, ce ne fût pas chose facile !

       Comme les cordées précédentes qui attendaient leur tour au pied de la brèche, nous avons laissé nos sacs et observé avec intérêt les manœuvres des guides pour assurer leurs clients plus ou moins en difficulté. Nous nous sommes rappelés la scène très drôle du film « l’Ascension » où un sherpa apprend à l’irrésistible Ahmed Sylla à utiliser piolet et crampons avant sa montée au sommet de l’Everest. Au signal d’Arnaud, JC a magistralement appliqué la leçon du sherpa « Tu tapes, tu tires ! » et s’est hissé en deux temps, trois mouvements à 4 mètres de la brèche. Galvanisée par cette facilité apparente, je me suis élancée à mon tour, décidant de placer le pieds dans ses traces et de planter le piolet dans la même encoche. Mais avec 10 cm de moins, la marche était trop haute et je n’ai pas eu la force de me tenir au piolet, j’ai dévissé et me suis retrouvée suspendue dans la crevasse béante au pied de la brèche !! Passée la première frayeur, j’ai eu le temps de constater combien il est VITAL d’être encordé ! La crevasse s’enfonçait profondément, de plus en plus étroite et sombre…  J’ai compris que je n’irai pas plus bas, puisqu’Arnaud avait stoppé la corde et que JC tenait bon son piolet (cet homme est fiable, pas de doute, car résister à ma chute avec mon poids de forme + les derniers repas bien copieux + quelques glaces artisanales, à la seule force du poignet…il fallait le faire ! Chapeau !) et j’ai alors bien profité de la vue car ce n’est pas donné à tout le monde de visiter une crevasse d’aussi près… En fait, c’est très beau, plein de couleurs !

        Le guide charitable de l’équipe suivante m’a tirée de cette mauvaise passe et a trouvé les mots pour que j’ose recommencer, car, évidemment, j’avais perdu toute confiance en moi ! J’ai fait des pas plus petits, plantant l’avant des crampons dans la paroi verticale et ai pu me hisser jusqu’à JC et Arnaud.

       Je pensais être au bout de mes peines, avoir fait le plus dur, le sommet n’étant plus qu’à quelques mètres…qu’il fallût pourtant parcourir sur une trace très étroite, en bordure d’une pente aussi vertigineuse que verglacée ! J’ai pourtant réussi à surmonter cette peur, baignée de sueur, les muscles des jambes tétanisés, et à atteindre le sommet.  Une grande joie a balayé la fatigue, pour JC, le plaisir d’avoir réalisé un de ses rêves et pour moi, la fierté de ne pas avoir cédé à la panique et la conscience d’avoir repoussé mes limites. La vue était splendide. Quelques photos plus tard, Arnaud a donné le signal du départ, de gros nuages s’amoncelaient, nous n’échapperions pas aux orages, mieux valait être le plus bas possible…

       La descente fût une aventure à part entière, que je ne raconterai pas en détails. Il y eût, entre autres délices, les chutes de pierres, une traversée périlleuse dans une pente ultra raide, des descentes si verticales qu’il était impossible de rester debout (la technique la plus efficace restant celle de Christiane en raquettes !), une chute de séracs dans un fracas épouvantable, heureusement loin de nous qui étions déjà plus bas sur le glacier, et loin des alpinistes affolés encore en pleine descente ! L’orage nous a finalement rattrapés au bas du glacier, nous laissant juste le temps d’ôter les crampons et de troquer chaussures rigides contre baskets et vêtements chauds contre vestes de pluie.

       Gore-Tex ou pas, nous sommes arrivés au Pré de Madame Carle, 1200 m plus bas, trempés et vannés. JC, équipé de chaussures de trail avec un peu trop de kms au compteur, n’a pas du tout apprécié cette partie ! A chacun ses failles: pour moi, puisqu’il n’y avait pas le vide, tout allait bien !

       S’il ne nous a fallu qu’un ou deux jours pour effacer la fatigue physique, les souvenirs que nous laissera cette magnifique aventure nous marqueront sûrement longtemps. Personnellement, cela me tenterait bien de faire d’autres courses en montagne… dans quelque temps … après avoir fait quelques via ferrata et réussi plusieurs fois le parcours « expert » à l’accrobranche !

       Merci à Jean-Claude d’avoir proposé que nous fassions cette course, et d’avoir tenu bon à l’instant critique !

       Merci à Arnaud de nous avoir initiés patiemment à l’univers de la haute-montagne, un tout petit peu moins mystérieux maintenant, et peut-être encore plus envoûtant.

        Evelyne                                                                       Accès à l’album